Pendant de nombreuses années, la France fut une terre principalement rurale. En effet, et jusque dans les années 1930, la population française est formée en majorité de petits agriculteurs qui s’abiment les mains en travaillant la terre. Les fermes ne sont alors que peu mécanisées, et le pays prend même du retard sur son industrialisation.
A la fin de la seconde guerre mondiale, la France se réorganise en modernisant son agriculture. Les fermes, sans disparaître pour autant, laissent place petit à petit aux exploitations agricoles plus importantes visant à atteindre une autosuffisance alimentaire. Notre nation devient progressivement le premier pays producteur de l’Union Européenne.
Jusque dans les années 1980, les agriculteurs étaient préservés de la mondialisation par le régime de la Politique Agricole Commune (PAC), instaurée initialement pour viser la souveraineté et l’autonomie alimentaire de l’Europe.
Les années 1990 viendront bouleverser cet équilibre, gracieusement aidées par des décisions irrationnelles du Fonds Monétaire International (FMI) et adoubées par nos gouvernements successifs. Pire encore, certains de nos représentants politiques bâtiront leur programme sur la défense de l’agriculture française, mais une fois élus, voteront les traités génocidaires aux appellations sporadiques comme CETA ou encore MERCOSUR.
Nos paysans sont abandonnés. Comment expliquer que le poids du profit a pris le dessus sur celui de la nécessité ? Oublierait-on que le suicide dans le monde agricole reste tabou et donc assez peu étudié en France ?
Pourtant, la Mutuelle Sociale Agricole (MSA), qui détient certainement une part non-négligeable de responsabilité en la matière, affirmait déjà qu’en 2015, 605 décès par suicide avaient été dénombrés… C’est plus d’un agriculteur par jour qui décide d’en finir avec la vie, écrasé par les dettes, le poids du travail, et l’absence de reconnaissance. Pour les plus précaires, le taux de suicide aurait triplé. Six ans plus tard, ces chiffres ne sauraient s’observer autrement.
Pour changer ce sombre constat, des décisions fortes doivent être entreprises en faveur de celles et ceux qui nous nourrissent. Ils ne comptent pas leurs heures, n’ont pour certains aucun jour de repos, et ne savent même plus ce que signifie « prendre des vacances ». Ils sont trop nombreux encore aujourd’hui à ne pas se verser de salaire, et vendre à perte le fruit de leur travail.
Nous ne pouvons regarder cette réalité sans y trouver des réelles solutions. Allons-nous laisser mourir notre agriculture à la fois riche et diverse, et abandonner nos compétences au profit de denrées venues de terres lointaines, aux tarifs de poussière et à la qualité absente ?
Certainement pas. L’Appel au Peuple sera force de proposition car notre politique n’est très certainement pas une politique hors sol. Parmi les objectifs à atteindre, nous devons nous orienter vers une refonte de la PAC, la mise en place de l’exception agriculturelle, l’instauration de la TVA sociale en réformant la MSA, en favorisant les circuits courts et la consommation locale afin de permettre une réelle considération pour nos agriculteurs français !
La PAC, de protection à destruction… il est temps de la réformer !
Comme évoqué en introduction, la politique agricole commune visait en 1962 à garantir la sécurité des approvisionnements, la stabilité des marchés et l’assurance d’un niveau de vie équitable à la population agricole.
Néanmoins, la couleur dorée des champs de blé a laissé place aux nuages aussi sombres que les graines de colza. En cause, la réforme de la PAC en 1992 faisant passer l’agriculture protégée vers une agriculture ouverte à la mondialisation.
Le démantèlement par le FMI et la banque mondiale des politiques agricoles des pays en voie de développement (alors surendettés) a provoqué une dérégulation des marchés, poussant ainsi des milliers de paysans vers la misère.
Par voie de conséquence, l’application d’un principe dit de « préférence communautaire » a laissé sa place à un soutien par les aides compensatoires des cours mondiaux généralement très bas[1] financé par le contribuable européen. Cette orientation a poussé à la concurrence néfaste des pays produisant à bas coût, propulsant ainsi l’Union Européenne dans une situation déficitaire pour nourrir sa population.
Face à ces échecs, nous devons être capable de proposer une autre politique agricole commune qui serait basée sur une préférence nationale et communautaire, permettant ainsi une régulation des productions tendant de ce fait à des marchés qui garantissent des prix couvrant les coûts de productions pour nos agriculteurs. Cela aura pour effet de maintenir un équilibre entre l’offre et la demande pour parvenir à des prix à la fois justes et stables.
Les syndicats agricoles le martèlent depuis longtemps ; « des prix, pas des primes » !
De plus, et afin de permettre aux citoyens de ne pas se cantonner à la place unique de consommateur, la parfaite traçabilité des produits doit être rendue obligatoire afin de permettre aux Français de devenir des acteurs engagés en faveur de la production nationale, voire même en privilégiant les circuits courts !
L’exception agriculturelle comme moteur principal de notre politique !
Pour permettre à nos agriculteurs de lutter efficacement face à ce libre échange qui impose une compétition féroce et souvent inégale, l’exception agriculturelle doit être la solution clé.
Elle permettrait à chaque pays de déconnecter ses prix agricoles des cours mondiaux. Plus loin encore, outre une obligation qui doit être faite aux collectivités territoriales d’acheter localement si possible, et donc a minima français, il convient d’obliger les centrales d’achat à se fournir auprès de producteurs nationaux en imposant pourquoi pas des quotas par produits.
La maxime est toute simple ; « pourquoi consommer ailleurs, ce que nous pouvons obtenir ici ? » La chasse aux prix toujours plus bas n’est pas un gage de qualité, et encore moins de survie pour nos agriculteurs. Ces derniers en arrivent à être contraint de produire toujours d’avantage pour espérer obtenir une rémunération suffisante pour survivre. Il faut cesser cette politique d’agriculture intensive et oser mettre en place un prix rémunérateur ! Alors que celui-ci doit se situer autour des 0,43 € – 0,45 € le litre pour le lait, nous constatons amèrement qu’aujourd’hui il peine à passer au-delà des 0,35 €. Cela n’est pas concevable !
Instaurer une TVA sociale pour permettre une réforme de la MSA
La MSA (la sécurité sociale agricole) a été créée par des agriculteurs qui est financée et cogérée par ces derniers mais qui ironiquement les desservent !
Les cotisations sociales sont de plus en plus lourdes pour des prestations toujours de plus en plus infimes. N’oublions pas que ces cotisations sociales pèsent près de 40 % dans le revenu agricole de chaque agriculteur, ce qui est démesuré !
Que dire encore de la paperasse administrative toujours plus complexe, avec des règles changeantes régulièrement et des critères permettant de bénéficier de réduction de charges sociales toujours plus alambiquées tendant vers une incompréhension des démarches !
Outre une simplification de ces démarches rendue nécessaire, il faut oser mettre en place la TVA sociale pour l’agriculture !
Son instauration permettrait de faire baisser le coût du travail tout en redonnant de la compétitivité à nos produits. Cela nous orienterait donc vers une relocalisation de notre économie.
« L’instauration d’une TVA sociale, ajoutée à la suppression des cotisations sociales (qui devient en réalité un nouvel équilibre) financerait ainsi la protection sociale agricole.
Ce dispositif se traduirait par une hausse de TVA qui compenserait la suppression des cotisations et serait entièrement affectée au financement de la protection sociale agricole.
Cela aurait pour effet de maintenir pour les consommateurs le prix des produits français à leur niveau actuel, de faire augmenter à la consommation le prix des produits importés et de faire baisser celui des produits français exportés. »[1]
Autrement dit, les importations de produits alimentaires participeraient au financement de notre protection sociale agricole tout en rendant plus compétitifs nos produits exportés.
Enfin, il faut oser porter le minimum de retraite des agriculteurs ayant une carrière complète à 85 % du SMIC net, c’est une question de décence, tout en tendant vers une harmonisation de la retraite des conjoints ayant participé à l’exploitation avec celle du chef d’exploitation.
Pour des circuits courts et une consommation locale
Parmi les alternatives à la distribution traditionnelle, le circuit court doit s’imposer comme une alternative.
A ne pas confondre avec la « consommation locale » qui doit en être le complément, la notion de « circuits courts » vise à réduire le nombre d’intermédiaires. Autrement dit, le système de distribution de vente se fait directement entre le producteur vers le consommateur ou du moins avec la présence d’intermédiaires limités.
Le but de cette démarche est d’arriver à assimiler « circuits courts » et « consommation locale » par une redistribution à l’échelle d’un territoire.
Cela permettra en outre de réduire notre impact écologique. Le circuit d’approvisionnement est donc repensé.
Privilégier ce mode de consommation, c’est donc réduire la distance qui sépare notre assiette du champ ou du potager qui a vu pousser les fruits et légumes que nous consommons. C’est également savoir dans quelles conditions ont été élevés et nourris les poulets par exemple que nous avons sélectionnés.
Les avantages ? :
- Moins de transport (donc moins de pollution),
- Réduction des emballages,
- Des produits payés au juste prix avec une meilleure rémunération du producteur,
- Un meilleur équilibre alimentaire avec une consommation de fruits et légumes de saison notamment,
- Une préférence nationale (voire locale) lorsque les produits sont disponibles sur notre sol.
Enfin, et comme l’a évoqué M. Claude COCHONNEAU (président des chambres d’agriculteurs jusqu’en 2019) qui constatait que beaucoup de petits abattoirs avaient disparus : « il faut retricoter un réseau de transformation et de distribution de proximité ».
L’analyse de ces propositions, à la fois concrètes et allant dans le bon sens pour le producteur comme pour le consommateur, nous oblige à faire bouger les choses. Depuis trop longtemps nos agriculteurs sont abandonnés par les pouvoirs publics. Des millions d’euros ont été débloqués en faveur du transport aérien afin de compenser la perte de chiffre d’affaires lié à la crise sanitaire.
Pourquoi nos paysans ne bénéficient que de mesurettes ? Leur situation n’est-elle pas assez catastrophique ? Combien encore vont mettre fin à leur jour, étouffés par les dettes ? par l’absence de salaire ? par la dureté du métier qui les passionne pourtant ? par le dédain de nos gouvernants successifs et même de ceux censés les représenter ?
Bousculer pour réinventer ! voici notre cap. Telle est notre boussole, pour qu’enfin le mérite du travail bien fait paye !
Christopher DESTAILLEURS-HENRY
Porte-parole de l’Appel au Peuple.
[1] Coordinationrurale.fr
Natif des terres parfumées de Provence, je suis depuis toujours un amoureux de la France, dans son ensemble et dans sa diversité. La richesse de nos paysages et la pluralité de nos coutumes n'ont de cesse de m'émerveiller mais me rappellent néanmoins l'unité de tout un peuple autour de la Nation, une et indivisible. Poussé par les principes d'égalité, de méritocratie, de respect ou encore d'autorité, je me suis orienté vers des études juridiques. Je me considère comme patriote, attaché à l'histoire de mon pays à la fois riche, glorieuse voire parfois tempétueuse.