Quand la cause juste devient prétexte à l’indécence

La situation à Gaza est tragique. Chaque vie perdue, chaque enfant tué, chaque civil broyé dans les rouages d’une guerre asymétrique mérite notre compassion, notre attention et, oui, notre indignation. De même, nul ne peut justifier les actes barbares du Hamas, organisation terroriste qui instrumentalise la souffrance de son propre peuple à des fins idéologiques et politiques. Entre les deux, le camp de la paix semble inaudible, étouffé dans le vacarme des récupérations politiques et des slogans creux.

Et c’est précisément là que le malaise commence. Car ce qui trouble aujourd’hui, ce n’est pas le soutien sincère à la cause palestinienne, ni l’appel à un cessez-le-feu ou à une solution à deux États. Ce qui dérange profondément, c’est la manière dont une certaine gauche — et notamment La France Insoumise — instrumentalise ce conflit pour alimenter une stratégie de confrontation et de radicalisation.

L’image prise place de la République est à ce titre éloquente. Le monument, symbole républicain, est détourné, recouvert de tags et de slogans. Des fumigènes rouges illuminent des visages exaltés. Des gilets de sauvetage sont accrochés comme des trophées, et des drapeaux étrangers flottent là où l’on devrait voir l’unité nationale. C’est moins une manifestation pour la paix qu’une mise en scène de rupture, de défi, presque de provocation.

Or, quand la défense des opprimés se transforme en démonstration d’hostilité envers les institutions du pays, quand la cause humanitaire devient un prétexte à saccager les symboles républicains, alors ce n’est plus un combat pour la justice : c’est un règlement de comptes idéologique.

LFI, dans cette dynamique, ne se contente plus d’être un acteur politique. Elle devient une courroie de transmission de cette radicalité, préférant s’aligner sur les mots d’ordre les plus simplistes plutôt que d’assumer la complexité du réel. Elle évite soigneusement de condamner les exactions du Hamas, s’enferme dans un discours manichéen, et courtise les franges les plus communautaristes de l’électorat, au mépris de l’universalisme républicain.

On peut être profondément solidaire du peuple palestinien sans céder à ces dérives. On peut vouloir la paix sans excuser les crimes. On peut vouloir la justice sans salir la France.

Ce qui se joue ici n’est pas seulement une prise de position géopolitique. C’est une bataille culturelle, un conflit de récits. Celui de la France comme nation unie par un projet commun, contre celui d’une France éclatée en tribus politiques, où chaque communauté brandit son drapeau, ses morts, ses causes — et oublie ce qui nous relie.

Il est temps de dire stop à cette récupération permanente. Temps de rappeler que l’engagement n’autorise pas l’indécence, que la compassion ne justifie pas l’outrage, et qu’aucune cause, si noble soit-elle, ne devrait nous faire perdre le sens de notre maison commune.

Jean Pégot