IA et données : il est temps pour l’État de garantir notre souveraineté numérique

Dans le tumulte des transformations numériques, une conviction s’impose : la France, comme l’Europe, ne peut plus rester spectatrice. Si nous voulons préserver notre autonomie stratégique, économique et culturelle, il faut foncer dans l’intelligence artificielle (IA) et le stockage souverain des données. Et pour cela, le rôle du gouvernement est décisif : inciter, accompagner, réguler.

Une souveraineté qui ne se décrète pas, mais se construit

À l’heure où les grands modèles d’IA dictent les choix technologiques mondiaux, où les plateformes organisent les flux économiques, et où la donnée est devenue le “nouveau pétrole”, il est devenu vital de maîtriser nos outils, nos infrastructures et nos ressources numériques.

Renoncer à cette maîtrise, c’est s’exposer à :

*Une dépendance aux fournisseurs extra-européens soumis à des législations étrangères.

*Un effacement culturel face à des IA entraînées sur des corpus non francophones.

*Une perte de contrôle sur nos administrations, nos hôpitaux, nos entreprises stratégiques.

Le rôle central de l’État : stratégie, impulsion et protection

Face à ces défis, l’État ne peut se contenter de laisser faire le marché. Il doit :

*Inciter : en créant des conditions économiques favorables à l’émergence d’acteurs locaux, en lançant des appels à projets ambitieux, en facilitant l’accès aux financements pour la recherche, les startups et les infrastructures cloud.

*Accompagner : en formant massivement dans les domaines du numérique, en soutenant les collectivités et les PME dans leur transition IA et cloud, en développant des filières de souveraineté dans les territoires.

*Réguler intelligemment : en assurant un cadre protecteur pour les citoyens (via le RGPD et l’AI Act), mais aussi clair et incitatif pour l’innovation.

Les initiatives existent — comme le plan France 2030, les investissements dans le cloud de confiance, ou la législation européenne — mais elles doivent désormais changer d’échelle et s’inscrire dans une logique de long terme.

Ne pas rater le virage IA

L’IA transforme déjà tous les secteurs : santé, défense, éducation, logistique, industrie. Ceux qui maîtrisent les modèles, les entraînent sur leurs propres données et les adaptent à leur langue et à leur culture auront un avantage compétitif majeur.

Aujourd’hui, la quasi-totalité des grands modèles sont américains ou chinois. L’Europe accuse un retard, mais elle peut encore prendre une autre voie : celle d’une IA éthique, souveraine, et centrée sur l’humain.

Le stockage, colonne vertébrale de notre indépendance

Aucune IA sans données. Aucune donnée sans infrastructure. C’est pourquoi la question du stockage est aussi politique que technique. Il faut garantir que nos données sensibles — publiques, industrielles, personnelles — soient hébergées sur le territoire national ou européen, protégées par des lois européennes, et à l’abri de toute ingérence.

Cela implique de soutenir les acteurs français et européens du cloud, mais aussi de promouvoir un “cloud de confiance” réellement souverain, interopérable et sécurisé.

Conclusion : l’heure d’agir est maintenant

Les choix que nous faisons aujourd’hui façonneront le monde dans lequel nous vivrons demain. L’intelligence artificielle et les données ne sont pas des outils neutres : elles structurent le pouvoir, influencent les décisions, modèlent les sociétés.

L’État a un rôle fondamental à jouer : non pas pour diriger seul, mais pour créer un écosystème où innovation, liberté, sécurité et souveraineté coexistent. Il est temps d’agir, vite et fort. Il en va de notre place dans le monde numérique qui se dessine.