Il fut un temps, les débats se déroulaient sur des plateaux de télévision, opposants spécialistes ou politiques en face à face et encadrés par un animateur jouant le rôle de maître du temps.
Désormais, les débats sont lancés sur la toile, souvent sur les réseaux sociaux, non plus par des auteurs connaissant parfaitement le sujet des discordes, mais par des néophytes et à coups d’approximations douteuses, sans véritables sources et encore moins avec la ponctuation de véritables arguments.
Cependant n’imaginez pas une quelconque opposition de ma part aux débats 2.0… loin de là. Néanmoins, avant de prendre la plume – pardonnez-moi, le clavier – pour jeter sur l’écran les revendications parfois outrancières, il convient de maîtriser, si c’est connaître, le sujet des protestations.
Très certainement l’Histoire est le sujet le plus sali, car s’il est aisé de critiquer tel ou tel personnage ayant façonné le monde car il n’est plus là pour se défendre, l’interprétation des actions passées à la lumière de celui qui écrit et souvent faussée. Aujourd’hui, et plus encore en cette année 2021 particulière, on entend – et on lit notamment – tout un tas de textes sur la personne de Napoléon Bonaparte, Empereur des Français, pour lui attribuer les maux les plus terribles qu’aient connu notre Nation.
Ses détracteurs, pour l’affubler des pires tragédies, prennent bien souvent un segment isolé de notre roman national et le déposent sous la lumière du XXIe siècle. Ce raccourci anthropologique a le mérite d’éviter à ses auteurs d’étudier tout un contexte (tant historique, que politique que social etc.) en s’abstenant de lire des tas d’ouvrages brillamment rédigés par les historiens connaisseurs du sujet, mais aura comme conséquence dramatique la médiocrité du papier.
Rendons donc à César ce qui est à César à Dieu ce qui est à Dieu et à Napoléon ce qui revient à Napoléon.
Napoléon sauveur de la Révolution
Les qualificatifs employés au bénéfice de l’Empereur des Français passent ces derniers jours du glorieux à l’abjecte. De réformateur il passe à destructeur, de génie militaire il passe à tyran assoiffé de nouveaux continents, de souverainiste il passe à dictateur, et enfin d’héritier de la Révolution il passe à fossoyeur.
Les oxymores n’auront jamais été autant présents tout comme l’ignorance et la déformation, non pas professionnelle, mais historique.
L’on reproche à Napoléon l’extinction de la première République française par la naissance d’un régime autoritaire balayant les principes de la Révolution en réintroduisant une certaine forme de monarchie.
Sur ce dernier point, je souhaiterais apporter un certain nombre de précisions et couper le cou à certains délires que nous pouvons lire çà et là de la toile.
L’on veut nous faire croire à tort que la Convention Nationale, et après le Directoire, ont été des régimes politiques idylliques où les droits ont été rendus au peuple Français avant d’être sauvagement repris par le général Bonaparte après son coup d’état.
Ce serait pourtant oublier le Comité de Salut Public créé le 06/04/1793 dont les pouvoirs ne cesseront d’augmenter allégrement se dirigeant ainsi vers l’une des périodes les plus néfastes qu’ait connu notre Nation portant le nom évocateur de « Terreur ».
En effet, ce fut un temps où les principes garantis par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ont été suspendus, de même que les droits accordés par la Constitution de l’An I (1793). Autrement dit ; aucun bicorne à la plume de ces écrits…
Voudrait-on nous faire oublier les milliers de guillotinés sommairement appelés « les ennemis de la Révolution » sans compter la déchristianisation forcée de la Nation (qui n’a rien à voir avec l’acceptation de l’Athéisme) conduisant ainsi à la persécution d’un culte qui ne pourra à nouveau pleinement pratiquer que par la signature du Concordat.
Que dire encore de la « loi des suspects », votée en septembre 1793 qui est en réalité un affaiblissement du respect des libertés individuelles dans la mesure ou l’arrestation – à minima – de tous les ennemis avoués ou susceptibles de l’être à l’égard de la Révolution est possible.
Que dirait-on de cette loi si elle était appliquée aujourd’hui ? Beaucoup de mal certainement.
Le Directoire succède à la Convention. Le suffrage censitaire est rétabli. Une nouvelle fois ; aucun bicorne à la barre de manœuvre…
Tentons un instant de nous rappeler nos cours d’histoire ; ce nouveau régime politique sera particulièrement instable dans lequel les royalistes réussiront à perturber l’ordre dessiné en retournant les institutions contre leurs créateurs par le biais des élections.
Ils réussiront même à asseoir une démarche contre-révolutionnaire visant une restauration de la monarchie à courte échéance. Ce ne sera qu’en bafouant les résultats des élections par les armes et une répression brutale que les « Directeurs » parviendront à réobtenir une majorité, mais il est aisé de comprendre que la stabilité souhaitée du régime n’existera que dans les contes pour enfants.
La deuxième coalition fragilisera encore plus le Directoire. La paix s’ébranle d’autant plus que les échecs diplomatiques sont grands. Dans ces années de tumultes où les idéaux de la Révolution se sont éloignés, la population ne cesse de constater les inégalités grandissantes avec les plus riches. Le peuple Français ne voit alors qu’un seul homme pour rétablir la paix : un certain général Bonaparte, de retour d’un pays aride ayant contribué aux minces lignes de gloire de ce Directoire en train d’écrire ses dernières lignes.
L’avènement du Consulat a pour but de rétablir l’ordre public mais également de défendre la République en danger comme je l’ai évoqué ci-avant.
Alors oui, le coup d’état du 18 brumaire ne s’est pas fait au chant des oiseaux et à l’odeur des fleurs. Cependant il fut une chance pour la France à deux doigts de voir les acquis de la Révolution tomber sur un sol meurtri[1]. Pour sauver la Nation, de lourdes responsabilités ont dû être prises au bénéfice du peuple tout entier et afin d’éviter une anarchie à venir voire même un possible et très certain rétablissement de la monarchie.
L’Empire qui succèdera au Consulat sera adoubé par les Français, dont les plébiscites seront à chaque fois favorables à Napoléon.
Cette analyse nous permet en effet de conclure sur le fait que Bonaparte n’a pas mis fin aux acquis de la Révolution mais au contraire a permis la sauvegarde de son héritage évitant ainsi le retour d’un de temps abolis.
Faut-il encore rappeler que Bonaparte dans les premiers jours du Consulat s’entoure de Cambacérès et Lebrun, deux hommes ayant des sensibilités politiques différentes dans un souci de réconciliation nationale
Relater les efforts de paix mis en œuvre par le premier Consul puis Empereur des Français serait ici trop long bien que particulièrement intéressant voire nécessaire pour certaines personnes.
Des guerres napoléoniennes qui n’en sont pas
Concernant les fameuses guerres napoléoniennes, on oublie bien souvent qu’elles portent ce nom-là grâce aux victoires françaises qui les conclues, et non par le lien que disposerait Napoléon sur leur naissance.
En effet, la plupart d’entre elles sont des legs de la Révolution française puisque les idéaux révolutionnaires ont été attaqués par les monarchies européennes coalisées.
Napoléon a poursuivi les guerres pour défendre les acquis de la Révolution et ainsi mettre un terme ferme (et escompté définitif) devant ces opérations militaires emportant avec elles de nombreux soldats fidèles et dévoués.
L’Angleterre, monarchie ne désirant que la restaurer outre-Manche, fera perpétuellement la guerre à la France et donc à Napoléon en fomentant pas moins de sept coalitions contre lui[2].
Il est de ce fait aisé de comprendre que Napoléon n’est pas le commanditaire des guerres dont il a fait l’objet et sa remarquable stratégie militaire aura eu le don d’agacer ses adversaires qui n’auront alors de cesse de se vautrer dans la rumination constante, ne pouvant être assouvie que par les armes et l’odeur de la poudre.
Napoléon, cette certaine idée de la méritocratie et du progrès
Aujourd’hui au XXIe siècle l’on souhaite rendre coupable Napoléon de maux dont il ne peut revendiquer la paternité en oubliant bien volontiers les acquis majeurs qu’il portera sur la France et qui reflètent encore de nos jours notre société contemporaine.
Code civil, préfets, Banque de France, Cour des comptes, légion d’honneur etc.
La liste est bien trop longue pour évoquer le legs immense de l’Empereur ; alors pourquoi s’enliser dans une repentance éternelle ?
L’on veut nous faire croire que Napoléon était raciste voire esclavagiste. Que d’insultes quand l’on sait qu’il quitte de manière précoce son île Corse pour un continent alors jamais foulé, moqué par ses camarades pour un accent chantant qui le différencie des autres, avant d’être différencié par son génie.
Pour balayer ces ignominies relisons un bref instant le Code Napoléon :
Livre premier, Chapitre premier « de la jouissance des droits civils » selon le décret du 08/03/1803 promulgué le 18 du même mois.
« 11. L’étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités de la Nation à laquelle cet étranger appartiendra. »
Une plume bien loin de celle que l’on veut lui attribuer.
Quant aux affabulations les plus tordues sur une soi-disant volonté esclavagiste de Napoléon, le général(2S) Michel FRANCESCHI ainsi que François HARARI (secrétaire général de l’Appel au Peuple) y ont brillamment répondu :
« Au traité d’Amiens de 1802, l’Angleterre rendit à la France l’île de la Martinique qu’elle lui avait ravie avant l’abolition de l’esclavage en France par la Constituante. Comme dans toutes les autres îles des Caraïbes sous domination anglaise, l’esclavage n’y avait pas été aboli comme à la Guadeloupe voisine. Au retour au bercail de la Martinique, le premier réflexe de Napoléon, héritier des Lumières n’en déplaise aux esprits chagrins, fut d’y procéder pour la mettre à égalité avec la Guadeloupe. Mais son gouvernement et les influents services de la Marine et des Colonies le mirent instamment en garde contre cette mesure qui plongerait immanquablement la Martinique dans la même crise socio-économique qui avait ensanglanté la Guadeloupe lors de l’abolition, dix ans auparavant. En effet, l’accroissement brutal du coût de la main d’œuvre y avait alors rendu prohibitif à l’exportation les prix des produits tropicaux de l’île. La faillite avait frappé la plupart des exploitations agricoles de Guadeloupe, ne pouvant plus soutenir la concurrence avec les îles esclavagistes anglaises voisines. La misère générale engendrée par le chômage avait provoqué de très violents troubles sociaux, nécessitant la brutale répression militaire du général Richepanse.
La Guadeloupe avait mis longtemps à s’en relever. Il n’était donc pas souhaitable de renouveler cette douloureuse expérience.
En définitive, Napoléon fut paradoxalement contraint de rétablir l’esclavage en Guadeloupe parce qu’il ne put l’abolir en Martinique. »[3]
***
« Personne ne niera jamais que le rétablissement, momentané et conjoncturel, de l’esclavage en Guadeloupe fut un drame humain. Mais faut-il alors en occulter les circonstances ? C’est l’anarchie et le bain de sang établis depuis plusieurs mois sur l’Île qui conduisit à cette décision, alors que les Anglais occupent la Martinique, sans y abolir l’esclavage et que la démocratie américaine maintient cette ignominie comme un pilier de son économie a quelques encablures de là.
L’honnêteté historique impose de rappeler ce que le diktat de la bien–pensance actuelle nous pousse à oublier. Napoléon a mis fin à la traite des esclaves en 1815. Il fut le premier à abolir l’esclavage à Malte en 1798, à abolir le servage en territoire russe puisque ce fut sa décision personnelle à la création du Duché de Varsovie. C’est aussi lui qui mit fin au travail des enfants de moins de dix ans, véritable esclavage au fond des mines. »[4]
Enfin, je n’aborderai même pas ici la misogynie potentielle de l’Empereur qui, si cela serait vrai, serait donc un comportement « normal » de l’époque bien qu’il ne soit pas à vanter de nos jours.
Cependant je n’oublie pas que certains pays dans le monde pratiquent encore aujourd’hui et de manière affirmée la supériorité des hommes sur les femmes, la mise à mort des homosexuels, sans que cela ne semble choquer celles et ceux qui aujourd’hui font des reproches à la France.
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En conclusion : vous le constaterez à la lecture de ces lignes, il est difficile de faire court tout en répondant de manière argumentée et quelque peu sourcée à toutes les accusations que l’on veut porter sur l’Empereur des Français.
L’histoire sait nous rappeler qu’elle n’est jamais ni toute blanche ni toute noire, mais qu’il ne faut en aucun cas emprunter des raccourcis qui dénatureraient la vérité des événements.
Le négationnisme se combat par les meilleures armes que nous avons : la beauté de certains livres, la passion de certains historiens, la pierre de nos monuments, l’engagement de certains d’entre nous ; en somme, l’ensemble de notre récit national lui-même.
Christopher DESTAILLEURS-HENRY
Porte-parole de l’Appel au Peuple.
[1] Lire à ce sujet le Général(2S) Michel Franceschi « Le 18 Brumaire un coup d’état ? Non, un salvateur coup de bon sens ! » – Brumaire n° 30 – 23/11/2020.
[2] Lire « Les relations de Napoléon avec l’Angleterre » par Christopher DESTAILLEURS-HENRY dans la Revue Francophone d’information n° 5 – Premier semestre 2021.
[3] https://francebonapartiste.fr
[4] https://lappelaupeuple.fr/pourquoi-sommes-nous-bonapartistes/
Natif des terres parfumées de Provence, je suis depuis toujours un amoureux de la France, dans son ensemble et dans sa diversité. La richesse de nos paysages et la pluralité de nos coutumes n'ont de cesse de m'émerveiller mais me rappellent néanmoins l'unité de tout un peuple autour de la Nation, une et indivisible. Poussé par les principes d'égalité, de méritocratie, de respect ou encore d'autorité, je me suis orienté vers des études juridiques. Je me considère comme patriote, attaché à l'histoire de mon pays à la fois riche, glorieuse voire parfois tempétueuse.