Au service du Public …

Alors que la question de l’efficacité de l’action publique et de la soutenabilité budgétaire de l’État revient avec insistance dans le débat national, les propositions de Bruno Retailleau visant à supprimer le statut de fonctionnaire pour les postes non régaliens appellent une réaction à la fois ferme et argumentée. Si une restructuration de l’organisation de nos services publics est nécessaire, notamment dans les fonctions administratives, leur répartition territoriale et les mécanismes de déconcentration, la méthode et la philosophie portées par Retailleau sont non seulement contestables, mais aussi contre-productives.

Derrière une apparence volonté de rationalisation se cache une logique orléaniste typique : celle qui voit dans l’État une entreprise à optimiser, dans la fonction publique un coûteux privilège, et dans le statut des agents un archaïsme à détruire. Cette vision s’oppose frontalement à la tradition gaullienne qui reconnaît dans la fonction publique un pilier de la souveraineté nationale, de la continuité républicaine et de la présence équilibrée de l’État sur tout le territoire.

Oui, la fonction publique doit être modernisée. Oui, certaines fonctions purement administratives peuvent être allégées, regroupées, digitalisées. Oui, la répartition territoriale des services est inégalitaire et doit être revue. Mais non, cela ne justifie pas de briser le statut des agents publics, au risque de fragiliser leur indépendance, leur loyauté à l’État plutôt qu’à un employeur, et la qualité du service rendu à la nation.

Ce que Retailleau propose, ce n’est pas une refondation républicaine de l’action publique, mais une privatisation rampante de l’État, une externalisation de ses missions et une méfiance foncière envers ses propres serviteurs. C’est une vision méritocratique à court terme, comptable à l’excès, qui oublie que la puissance publique ne se résume pas à l’efficacité de gestion mais engage des valeurs, une mémoire, un contrat moral entre la République et ses citoyens.

La véritable urgence est donc ailleurs : dans une véritable politique de déconcentration, adaptée aux besoins locaux ; dans la restauration de la confiance entre citoyens et services publics ; dans la capacité à redonner du sens à l’engagement public. Cela suppose de la rigueur, certes, mais aussi du respect, une vision, une ambition collective. Bref, tout ce que l’orléanisme technocratique de Retailleau ne peut offrir.