Relancer l’hinterland français grâce aux voies fluviales : une opportunité stratégique et durable

Alors que la France cherche à réduire l’empreinte carbone de son transport de marchandises et à renforcer la compétitivité de ses territoires intérieurs, les voies fluviales apparaissent comme un levier encore largement sous-exploité. Relier efficacement les ports maritimes français à leur hinterland grâce aux fleuves et canaux pourrait redessiner la carte logistique du pays tout en offrant une alternative écologique aux flux routiers et ferroviaires saturés.

 

  1. Des corridors fluviaux à fort potentiel

La France dispose du premier réseau fluvial navigable d’Europe occidentale, avec plus de 8 500 km de voies exploitées. Des axes majeurs structurent déjà le territoire :

L’axe Seine, reliant Le Havre et Paris ;

L’axe Rhône-Saône, entre Marseille et la Bourgogne ;

L’axe Nord, entre Dunkerque, Lille et les pays voisins.

Ces corridors peuvent devenir les artères logistiques majeures de demain, à condition d’être modernisés et intégrés dans une vision intermodale cohérente.

 

  1. L’hinterland : un maillon stratégique

L’hinterland représente l’arrière-pays économique et logistique des ports. Il regroupe des zones industrielles, agricoles et urbaines souvent mal connectées aux grands ports. En renforçant l’accessibilité fluviale de ces territoires, on favorise :

La massification des flux (réduction du nombre de camions pour un même volume transporté),

La création d’emplois locaux autour de plateformes logistiques,

La désaturation du réseau routier et la baisse des émissions de CO₂.

 

  1. Des ports intérieurs au cœur de l’intermodalité

Pour que le fluvial devienne un vrai atout pour l’hinterland, il est essentiel de développer des ports intérieurs modernes, connectés et spécialisés. Ces hubs doivent offrir :

Des connexions ferroviaires et routières fluides,

Des services de transbordement performants (conteneurs, vrac, vrac liquide),

Des zones logistiques intégrées, capables d’accueillir industries, entrepôts, et services de distribution.

Des villes comme Lyon, Strasbourg, ou Chalon-sur-Saône peuvent jouer un rôle clé dans cette dynamique.

 

  1. Un levier économique et environnemental

Le fluvial consomme en moyenne 4 fois moins d’énergie que la route pour le transport d’une tonne de marchandises. C’est donc un vecteur de décarbonation incontournable. De plus, l’émergence de bateaux propres (électriques, hydrogène, GNV) ouvre de nouvelles perspectives.

Sur le plan économique, le fluvial permet de réduire les coûts logistiques sur longue distance et de sécuriser les flux grâce à une plus grande régularité, notamment en période de tension sur le transport routier.

 

  1. Vers une stratégie nationale ambitieuse

Pour réussir cette transition, plusieurs actions sont nécessaires :

Investir dans les infrastructures fluviales (écluses, quais, plateformes),

Soutenir l’innovation logistique et la numérisation des ports intérieurs,

Inciter les entreprises à opter pour le fluvial via des aides ciblées,

Coordonner les politiques de transport entre État, départements, ports et acteurs privés.

 

Conclusion

Relancer l’hinterland français grâce aux voies fluviales, c’est répondre à une double exigence : fluidifier les échanges économiques tout en respectant les objectifs climatiques. Ce modèle logistique alternatif, plus propre, plus résilient et plus équitable, redonne du sens à la géographie intérieure française. Encore faut-il avoir l’ambition de transformer cet atout géographique en véritable projet national.

Pierre Dupont