Il est temps de créer une DARPA à la française

Pour faire suite à mon article précédent, je tiens à venir développer ce que serait la DARPA à la française dont je parlais.

Dans la course mondiale à l’innovation, la France joue souvent un rôle d’observateur inquiet ou de compétiteur tardif. Nos talents sont là, nos ingénieurs sont brillants, nos laboratoires reconnus. Pourtant, il nous manque l’essentiel : une capacité d’anticipation, d’audace, et de prise de risque à l’échelle de l’État.

Pendant ce temps, les États-Unis avancent, portés par des structures comme la DARPA, cette agence fédérale mythique qui, depuis 1958, finance et pilote les technologies de rupture. Internet, le GPS, l’interface homme-machine, la robotique militaire : tous sont sortis de ses laboratoires. C’est là que se conçoivent les technologies du futur. Pas dans des appels à projets de 18 mois. Pas dans les silos de nos administrations.

Face à cela, nous devons réagir. Il est temps de créer une DARPA à la française.

Une agence pour penser loin, agir vite

L’idée n’est pas de copier un modèle américain à la lettre, mais d’en reprendre l’esprit : celui d’un État stratège, agile, capable de parier sur l’improbable. Une agence dotée de vrais moyens, indépendante des pesanteurs bureaucratiques, capable d’attirer les meilleurs profils scientifiques et entrepreneuriaux, et de financer des projets à haut risque technologique — là où personne n’ose investir.

Une telle structure ne viendrait pas concurrencer nos instituts, nos startups ou nos pôles de recherche. Elle viendrait les fédérer, leur offrir un débouché, une vision, une direction. Elle agirait comme un catalyseur, un accélérateur, un architecte de rupture.

L’innovation stratégique ne se décrète pas, elle se construit

Nous devons cesser de croire que le marché seul peut assurer notre souveraineté technologique. L’intelligence artificielle, les biotechnologies, la cybersécurité, les technologies quantiques ou climatiques sont devenues des terrains de compétition géopolitique. Ce sont des outils de puissance, au même titre que les armées ou la diplomatie.

Une Agence française pour les projets avancés permettrait d’investir sur le temps long, de financer des “moonshots” ambitieux, de prendre le risque de l’échec pour mieux viser la percée. Elle pourrait travailler main dans la main avec les armées, les instituts publics, les startups deeptech, les industriels, dans une logique de confiance et de vitesse d’exécution.

Réveiller l’ambition française

Les grandes réussites technologiques françaises — du nucléaire civil à Airbus, du TGV à Ariane — ont toujours été portées par un État qui savait rêver, organiser, et financer. L’heure n’est pas à la nostalgie, mais à la réinvention. La création d’une DARPA à la française serait un signal fort : celui que la France refuse la résignation technologique. Qu’elle entend redevenir une puissance d’innovation. Qu’elle est prête à investir dans les idées folles qui feront le monde de demain.

Ce n’est pas un luxe, c’est une urgence.

 

Paul Lenglé