Le retour au pouvoir de Donald TRUMP traduit un rejet des élites par les peuples. Le milliardaire américain l’a emporté grâce à un style aussi grossier qu’efficace ; et en raison de thèmes de campagne simplistes, mais qui ont trouvé un écho auprès d’une société étasunienne en crise et en perte de repères. Là où les démocrates se sont enferrés dans un discours aussi éveillé, woke en bon français, que déconnecté des réalités vécues par les classes moyennes, le candidat républicain a su capter les aspirations profondes du Peuple, quitte à jouer avec ses peurs profondes.

            J’estime qu’il faut relativiser l’importance de la victoire de TRUMP et du revirement politique qu’il induit, en raison des nouveaux enjeux auxquels les États-Unis doivent faire face. En effet, la vieille Europe semble bien loin des préoccupations de l’ensemble de la classe politique outre-Atlantique. Ainsi, la nouvelle U.R.S.S. n’est plus sur notre continent, mais bien en Asie puisque c’est la Chine qui est désormais la super-puissance concurrente.

            Néanmoins, la position de Donald TRUMP concernant la guerre en Ukraine peut légitimement inquiéter dans la mesure où elle est tout de même en rupture avec la politique menée par l’administration BIDEN. À mon sens, il faut y voir une chance historique pour la France de récupérer la place qui fut la sienne en Europe. S’il est difficile d’esquisser avec précision quelle pourrait être l’action trumpienne en la matière, il est vraisemblable qu’elle repose sur le maintien du statu quo. L’Ukraine devrait donc renoncer à tout espoir de recouvrer un jour son intégrité territoriale, ce qui serait un état de fait difficilement acceptable pour elle. En outre, cela serait dramatique car une telle situation contribuerait à aiguiser les visées expansionnistes de la Russie, qui pourraient être funestes pour le maintien de la paix sur le continent. Dans l’esprit de Vladimir POUTINE, comment ne pas se voir conforter dans sa politique s’il ne se heurte pas à une réelle opposition des États-Unis ?

            C’est donc en prévision du retrait du soutien de Washington à Kiev qu’il faut que les pays européens, aidés par le retour de la puissance française, puissent apporter une réponse ferme mais raisonnée à la Russie. Cette nouvelle prédominance militaire de notre pays doit nous conduire à repenser les règles économiques et politiques en Europe. Enfin, nous devons nous servir de ces circonstances particulières pour assurer le rayonnement de la France à l’échelle internationale.

Le nécessaire retour de la puissance française

            Si la France doit être au cœur de la réponse apportée à la Russie, c’est bien parce qu’elle est la première armée d’Europe. Si certains lui contestent cette première place[1], notamment en raison de la masse de militaires disponibles, il ne faut pas oublier que la France est la seule puissance continentale à disposer pleinement de la bombe atomique, sans être dépendante du parapluie militaire états-unien. Les insulaires du Royaume-Uni en sont également dotés, mais sont marginalisés depuis le Brexit. De plus, comme le disait Churchill, cette nation préférera toujours « le grand large ». Néanmoins, l’Angleterre a toujours refusé l’hégémonie d’une patrie en Europe, qu’il s’agisse de la France, de l’Espagne ou de la Russie. Je demeure persuadé qu’elle restera fidèle à cette philosophie et aura donc un rôle à jouer à nos côtés, si le rapport de force devenait trop favorable à la Russie. En somme, si nous ne pouvons rien sans l’aide de nos voisins européens, nous avons le devoir d’être au cœur de la stratégie de défense continentale, sous peine de voir nos intérêts nationaux gravement menacés.

            Nul ne saurait nier, depuis Clausewitz et la lecture qu’en fait Michel Foucault, qu’il existe un lien particulièrement étroit entre guerre et politique. Je crois, pour ma part, que l’un ne précède pas nécessairement l’autre, à l’image de l’œuf et de la poule, mais qu’il y a assurément un lien dialectique entre ces deux concepts. En conséquence, si le pays de la levée en masse redevient la nation en armes qu’elle fut jadis, il est logique qu’elle reprenne également une importance politique de tout premier ordre. La France, en raison de la prépondérance militaire qui sera dorénavant la sienne, se doit de proposer une nouvelle direction aux peuples européens. Il faut donc en finir avec les délires utopiques supranationaux des eurobéats, qui ne mènent qu’à la ruine et à l’émergence de nationalismes, tous plus dangereux les uns que les autres, pour instaurer une véritable coopération à l’échelle du continent.

Fermeté et dialogue vis-à-vis de la Russie

 

            Comme garante des intérêts européens, la France ne peut qu’exiger un prompt départ des troupes russes du sol ukrainien. Ce retrait est nécessaire, non seulement pour l’intégrité du territoire ukrainien, mais aussi et surtout pour freiner les volontés d’expansion russes. Il convient effectivement d’assurer un nécessaire équilibre des puissances sur le continent. C’est uniquement à ce prix que l’on pourra pérenniser la paix en Europe. Nous, Français, devrons donc être les chefs de file d’une opposition ferme à la Russie, quitte à assumer au mieux l’effort de guerre jusqu’ici supporté par les États-Unis. En outre, il faudra aussi être prêt à déployer des troupes au sol, en cas d’incursions dans d’autres pays limitrophes, comme la Géorgie ou bien les pays baltes, afin d’être pris au sérieux par le Kremlin.

            Cette fermeté sans faille doit toutefois s’accompagner d’une réelle compréhension des intérêts russes. Ainsi, si l’invasion de l’Ukraine par la Russie doit être non seulement condamnée, mais également combattue, cette incursion doit être vue comme une réponse aux menées de l’O.T.A.N. En effet, la Russie se sent de plus en plus menacée par l’avancée territoriale de l’organisation atlantiste ; et les tentatives de mettre en place un bouclier anti-missiles qui menacerait directement le sol russe.

            En conséquence, il convient de contrer diplomatiquement, mais aussi militairement, les menées belliqueuses de Vladimir POUTINE. Le départ des troupes russes du sol ukrainien doit être un préalable à toute discussion. En revanche, nous devons aussi considérer les intérêts russes en quittant l’O.T.A.N., qui n’a d’autre but que de suppléer les visées états-uniennes, auxquelles nous, Français, garants des intérêts européens, sommes totalement étrangers. Ce n’est qu’à cette condition qu’une compréhension mutuelle pourra être instaurée afin de maintenir la paix sur le continent.

De la prépondérance militaire à un renouveau politico-économique sur la scène européenne

            À l’image de la nature, le pouvoir a horreur du vide, il est donc logique que la France, en sus de sa prédominance militaire, redevienne un acteur central en matière politique. Cette nouvelle position française doit être l’occasion de redéfinir les rapports en Europe. Cela passe par l’instauration de nouvelles relations avec l’Allemagne. Nous aurons besoin de son industrie, notamment chimique, pour mettre en place une véritable politique de défense européenne.  Toutefois, il faut en finir avec cette prétendue « Union européenne », dont les agissements ne servent que l’Allemagne et ses alliés du nord du continent, et qui a pour pilier une orthodoxie budgétaire mortifère.

            Il ne s’agit pas ici de développer, de façon exhaustive, notre règle de conduite économique et financière, mais plutôt d’en évoquer deux aspects majeurs.

Le premier d’entre eux réside dans la dénonciation de ce que l’on pourrait qualifier d’obsession de la dette. Il est évident qu’un déficit excessif pourrait diminuer notre crédibilité et nous placer en situation délicate vis-à-vis de nos créanciers. Néanmoins, une nation n’est pas un particulier, elle ne saurait réfléchir en termes d’intérêts à court terme, dans la mesure où elle doit assurer l’intérêt général de ses citoyens et donc leur prospérité économique. Nonobstant cette considération, l’on peut observer que si une entreprise se doit de limiter ses coûts, elle doit aussi veiller à bénéficier d’un marché disposant de consommateurs suffisamment instruits pour profiter des biens qu’elle produit. Par ailleurs, toute firme a également besoin d’un État suffisamment performant pour bénéficier d’infrastructures nécessaires à son développement. Il est donc évident, pour le privé comme pour le public, qu’il faut lutter contre le déficit de fonctionnement car il ne peut produire aucune valeur ajoutée. En revanche, le déficit d’investissement est nécessaire pour une patrie si elle souhaite maintenir son rang, continuer à être attractive pour les intérêts privés et entretenir une relation saine avec ces derniers.

Le second axe majeur de cette nouvelle conception économique et financière consiste, non pas à sortir de l’euro, mais bien à le transformer en véritable monnaie commune, à l’image de ce que prônait Jean-Pierre Chevènement. Il s’agirait de conserver à l’euro son caractère de devise, c’est-à-dire de vecteur d’échanges internationaux, tout en réintroduisant les monnaies nationales pour les marchés intérieurs aux pays. Nous assisterions donc, par exemple, au retour du franc et de la lire, au sein des frontières nationales respectives de la France et de l’Italie ; mais la moyenne du cours de ces monnaies nationales donnerait celui de la nouvelle devise. Chaque nation aurait donc une monnaie adaptée à son marché, contrairement à la situation actuelle, mais nous aurions toujours une devise prisée par les marchés internationaux.

            S’il était indispensable de se livrer à ces considérations économiques, tant « l’Union européenne » est caractérisée ces dernières ; il convient de rappeler que l’élaboration d’une politique ne peut se faire que dans le cadre national. C’est pour cette raison que la nouvelle alliance européenne doit être centrée autour de certaines priorités, partagées par un grand nombre d’États, parmi lesquelles la gestion des frontières ou bien certaines thématiques sécuritaires. Ce socle de coopération commun devra être enrichi par des accords à la carte, entre les patries, selon les thématiques dont elles souhaitent s’emparer.

La francophonie, vecteur de l’attractivité internationale de la France

 

            Une fois notre positionnement raffermi au sein du territoire européen, il conviendra de perpétuer le rayonnement de la France universaliste à travers le monde. Notre meilleure carte est très certainement constituée par la francophonie et par le nombre de personnes qu’elle rassemble à travers la planète. Favoriser la francophonie, c’est s’appuyer sur une communauté de 300 millions de personnes, soit près de 4,5 fois la seule population française. Même si nous ne partageons pas la même communauté de destins, nous disposons d’une réelle culture commune : qu’est-ce qu’une langue, avant d’être une codification grammaticale et syntaxique complexe, si ce n’est une façon similaire de penser ? Le modèle à suivre, ou plutôt à concurrencer, est celui du Commonwealth dans la mesure où c’est en partie grâce à cette organisation que la langue anglaise a pu acquérir la place qui est la sienne dans le monde. Il est évident que si le français ne se résume pas à la France, plus notre langue sera parlée, plus notre prestige national sera renforcé.

            En parallèle de la promotion de la francophonie, et à l’image de ce qu’il sera nécessaire de mettre en oeuvre sur la scène européenne, il faudra nouer de multiples partenariats bilatéraux afin de renforcer nos intérêts, mais aussi de mettre en avant des thématiques où la France possède un savoir-faire reconnu. Nous pourrions citer ici la gastronomie, l’industrie du luxe ou bien encore les nouvelles technologies.

 

Charles-Louis Schulmeister,

Le 22 brumaire de l’an CXXXIII de la République française