Pour un Bonapartisme de l’Innovation : Mobiliser la Nation autour des Startups Françaises

La France dispose d’un vivier exceptionnel d’entrepreneurs, d’ingénieurs, de chercheurs, de talents créatifs. Pourtant, elle peine à transformer ce potentiel en puissance économique globale. Tandis que les startups peinent à franchir le cap de l’industrialisation et de l’internationalisation, les capitaux manquent, la vision stratégique fait défaut, et l’écosystème semble fragmenté. Il est temps de rompre avec le laisser-faire attentiste et de renouer avec une tradition française d’action, d’ordre et de projection : un bonapartisme moderne, républicain, qui puise dans l’héritage de Napoléon Ier et de Napoléon III une méthode pour bâtir l’avenir.

Bonaparte et l’État bâtisseur : une méthode politique

Le bonapartisme n’est pas une nostalgie monarchique. C’est une philosophie politique de l’efficacité : celle d’un État centralisé, stratège, capable de mobiliser les ressources de la Nation autour de projets d’intérêt général. Napoléon Ier fut un organisateur infatigable : préfets, lycées, Banque de France, Code Civil… autant d’institutions encore vivantes qui témoignent de sa capacité à structurer un pays autour d’un projet cohérent.

Il ne s’agissait pas de tout contrôler, mais d’unifier, de moderniser, de créer des outils durables. Ce rôle structurant de l’État peut aujourd’hui inspirer une politique économique qui oriente et soutient l’innovation sans l’étouffer. L’objectif ? Faire émerger un tissu d’entreprises capables de s’imposer à l’échelle européenne et mondiale.

Napoléon III et la modernisation économique

On oublie trop souvent l’apport du Second Empire à la modernisation industrielle française. Napoléon III, influencé par le saint-simonisme, a favorisé les grands travaux (réseaux ferroviaires, haussmannisation, ports, banques d’investissement), posé les bases d’un capitalisme d’infrastructure, et encouragé la recherche scientifique et technique. Sous son règne, la France est entrée dans la modernité industrielle.

C’est cette vision que nous devons raviver. Un État bonapartiste moderne ne se contente pas de réguler : il investit, oriente, construit. Il ne laisse pas l’avenir aux seules lois du marché, mais trace des axes stratégiques clairs. Intelligence artificielle, technologies vertes, souveraineté numérique, cybersécurité, biotechnologies : autant de terrains où la France doit agir non pas en suiveuse, mais en puissance souveraine.

Un volontarisme technologique du XXIe siècle

Les grandes réussites industrielles françaises du XXe siècle — le nucléaire civil, Airbus, le TGV, Ariane — sont le fruit d’un État qui a su fédérer la recherche, l’ingénierie, le financement et la volonté politique. Aujourd’hui, une politique comparable doit être menée dans le champ numérique et technologique.

Il ne s’agit pas de nationaliser l’innovation, mais d’en faire un projet national. Il faut un “plan startup” à la hauteur des défis contemporains, alimenté par un fonds stratégique abondé par l’État, les grands groupes, les collectivités, et l’épargne populaire. Un capitalisme de mission, où la rentabilité s’allie à l’intérêt général.

Créer une DARPA à la française : l’audace technologique au service de la Nation

Il est temps de créer une “Agence française des projets avancés”, indépendante, agile, bien dotée, capable de financer des projets de long terme dans des domaines critiques : quantique, défense cyber, biotechnologies, énergie du futur, robotique, climat. Une sorte de commando de l’innovation, capable de prendre des risques là où les acteurs traditionnels hésitent.

Cette DARPA à la française ne serait pas bureaucratique mais offensive, recrutant des profils hybrides (chercheurs, militaires, entrepreneurs, ingénieurs), en lien avec les startups comme avec les labos publics. Elle incarnerait une nouvelle philosophie : ne plus subir l’innovation venue d’ailleurs, mais l’anticiper, l’orienter, la provoquer.

C’est un outil parfaitement compatible avec une approche bonapartiste moderne : centraliser les moyens, fixer une direction, et déléguer l’action à des équipes autonomes et ultra-compétentes. En un mot : gouverner par la vision, agir par l’audace.

Réconcilier ambition, mérite et nation

Le bonapartisme est aussi un récit : celui du mérite, de la mobilité sociale, de l’excellence. Il faut sortir d’un modèle d’innovation réservé aux élites parisiennes ou aux grandes écoles. Une politique d’innovation bonapartiste doit s’étendre aux territoires, aux classes moyennes, à la jeunesse de banlieue comme à celle des campagnes.

On pourrait imaginer un “service civique de l’innovation”, accessible à tous les jeunes diplômés techniques ou scientifiques, qui travaillerait avec des startups ou des projets publics sur des missions concrètes : transition énergétique, e-santé, éducation numérique. Un pont entre engagement civique et développement économique.

Une nouvelle épopée nationale

La France a toujours été grande lorsqu’elle avait un projet. Le bonapartisme ne promet pas l’immobilisme tranquille, mais l’élan, l’organisation, la conquête — pas militaire, mais économique, technologique, culturelle. Il faut réarmer l’imaginaire national autour de la science, de l’entrepreneuriat, de la construction d’un avenir commun.

Loin de l’individualisme libéral et du dirigisme étouffant, un bonapartisme républicain propose un cadre : celui d’un État organisateur, juste, ambitieux. Il ne s’agit plus de gérer le présent, mais de bâtir un avenir. Non plus d’accompagner l’innovation, mais de la piloter avec rigueur et vision.

Ni nostalgie ni messianisme, le bonapartisme républicain peut aujourd’hui inspirer une politique d’investissement volontariste au service des startups françaises. Napoléon Ier et Napoléon III ont montré qu’il fallait parfois de l’ordre pour libérer les énergies, de l’autorité pour construire l’avenir. À notre époque incertaine, cette tradition d’action pourrait redevenir une force. Car l’innovation n’est pas qu’une affaire de technologie : c’est aussi une affaire de volonté politique.

 

Paul Lenglé