Napoléon III, le souverain que la République a voulu faire oublier

Alors que les crises politiques, sociales et identitaires secouent à nouveau la France, un livre récemment paru, Napoléon III, l’incompris de Joachim Murat, vient opportunément rappeler que notre démocratie n’est pas née toute armée sous la IIIe République. Elle doit aussi beaucoup à un homme longtemps calomnié : Louis-Napoléon Bonaparte.

Élu en 1848 au suffrage universel masculin — une première dans l’histoire de France —, Napoléon III a inscrit dans la réalité politique le principe de souveraineté populaire. Ce ne fut pas une illusion. Il maintient ce suffrage, même après le coup d’État de 1851. Mieux encore, il interroge régulièrement le peuple par plébiscite. Bien sûr, ces consultations furent encadrées, et parfois influencées par l’appareil d’État. Mais elles n’étaient pas de simples mascarades. Elles traduisaient une conviction profonde : c’est au peuple qu’il revient de trancher les grandes décisions de la nation, non à des partis ou à des assemblées coupées du réel.

Joachim Murat rappelle dans son ouvrage combien Napoléon III fut un bâtisseur de la modernité française. Sous son règne, la France se transforme en profondeur : chemin de fer, grands travaux, finance moderne, essor industriel. Mais aussi politiques sociales inédites : droit de grève accordé en 1864, soutien à l’instruction, protection des ouvriers, premières caisses de secours. Le Second Empire n’a pas été un régime rétrograde : il a anticipé certaines conquêtes de la République, tout en les inscrivant dans un cadre d’ordre et d’efficacité.

Il est vrai que les premières années du régime furent autoritaires. Mais la République elle-même ne fut pas toujours tendre avec ses opposants, y compris sous la IIIe. Ce qu’on oublie souvent, c’est que l’Empire a évolué. Dès les années 1860, le régime se libéralise : les oppositions reprennent place au Parlement, la presse retrouve une marge de manœuvre, le pouvoir s’oriente vers une monarchie parlementaire à la française. Le Second Empire aurait pu devenir une démocratie moderne, si la guerre de 1870 ne l’avait pas précipité dans la chute.

Mais les vainqueurs écrivent l’histoire. La IIIe République, soucieuse de légitimer ses fondations, a construit une légende noire de Napoléon III : celle d’un aventurier médiocre, autoritaire et incompétent. Ce récit, popularisé par Victor Hugo ou Jules Ferry, occulte tout un pan de notre mémoire nationale, celui d’un régime qui tenta de concilier souveraineté, progrès et unité.

Dans une époque où l’dée de défense des souverainetés est caricaturée ou disqualifiée d’avance, cette réhabilitation est salutaire. Car ce que le bonapartisme portait — et que Murat met en lumière — c’est la volonté d’un État au service du peuple, au-delà des clivages partisans, des élites bureaucratiques ou des injonctions extérieures.

Il est temps de rouvrir les dossiers de notre histoire politique avec moins de dogmatisme. Napoléon III n’était pas un despote, mais un visionnaire, incompris de son temps et trahi par la mémoire officielle. Son bonapartisme n’était pas une dérive autoritaire, mais une tentative sincère et originale de donner une voix au peuple tout en maintenant la cohésion nationale.

Ceux qui, aujourd’hui, défendent une souveraineté populaire exigeante, sociale et indépendante, auraient tout intérêt à redécouvrir ce legs oublié.

Enfant du Comminges, dans les Pyrénées Centrales, j’ai cet amour pour les territoires qui au fil des siècles sont venus former notre belle France. Cette France que j’ai servi durant quelques années au sein des unités de l’Infanterie de Marine et par ce biais sur différents théâtres d’opérations et qui m’a donné ainsi une deuxième famille. Amoureux de notre Histoire mais surtout admirateur de l’œuvre de nos deux empereurs, loin de tous anachronismes, je défends leur mémoire mais aussi les valeurs qu’ils nous ont légué pour une certaine idée de la France grande, juste, respectée et généreuse. Cette Histoire, ces valeurs et cette mémoire qui doivent nous rendre fier d’être Français.