REFLEXIONS SUR L’ETAT ACTUEL DE LA POLICE NATIONALE

La police nationale est une institution dans la tourmente.

Le moral des policiers est au plus bas, les démissions, les arrêts maladie et les suicides sont là pour le démontrer. Que la police soit détestée par l’extrême gauche, qu’elle soit institutionnelle ou révolutionnaire cela n’est pas nouveau, car elle a dans ses missions essentielles la sauvegarde des intérêts de la société et de l’État, intérêts jugés iniques par ces mouvements.

La disparition de la conscription, a vidé nos villes de la plupart de leurs garnisons, effaçant les militaires du paysage quotidien. Ces militaires attisaient la détestation de ces mêmes mouvements, qui aujourd’hui semblent penser que seuls policiers et gendarmes défendent Etat et société.

La violence elle non plus n’est pas nouvelle.

Sans remonter aux grèves insurrectionnelles de l’après-guerre, les sidérurgistes, les marins pêcheurs, les viticulteurs, les indépendantistes corses ou néo-calédoniens ont fait preuve d’une violence extrême, nettement supérieure à celles que l’on rencontre aujourd’hui. Alors qu’est ce qui a fondamentalement changé depuis ces époques ?

En 2002, sous l’impulsion de Nicolas SARKOZY, ministre de l’Intérieur, on a assisté à une accélération de la politisation des missions de police (j’emploie volontairement ce terme pour inclure la gendarmerie).

La montée de la délinquance, les violences dites « urbaines », les émeutes qui sont devenues plus fréquentes, tout cela a mis les questions de « police » sur le devant de la scène politique, amenant des personnes n’ayant aucune connaissance des difficultés rencontrées par les policiers dans l’exercice de leurs missions à parler avec autorité. Tout un aréopage de spécialistes autoproclamés, s’est alors mis par l’intermédiaire, entre autres, des chaînes d’information continue à commenter l’actualité comme le feraient des journalistes sportifs, rejetant dos à dos policiers et délinquants.

Parallèlement, le ministère de l’Intérieur était recherché par les ambitieux, qui rêvaient à minima de Matignon, mais le plus souvent de l’Elysée. La tentation de ces ministres successifs fut dès lors de se poser en hommes forts, et pour cela de mettre en place et d’exploiter statistiques et textes de lois, afin, non de servir la nation, mais d’utiliser leur ministère comme un marchepied.

Incarner l’autorité lorsqu’on occupe le poste de ministre de l’Intérieur est naturel, mais user de ses fonctions afin d’exclusivement satisfaire des ambitions personnelles, est à la fois malhonnête, mais cela reste un jugement de valeur, et surtout totalement inefficace, l’échec des politiques de sécurité mises en place depuis plus de vingt ans en est une cruelle illustration.

Les ministres ont un discours et une posture, généralement martiale, mais leurs actes sont en complet décalage. L’important ce n’est pas de faire mais de faire savoir, une actualité en chassant une autre, le sujet brûlant de la veille, n’intéressant plus le lendemain. Un ministre qui réagit par le réseau « X » sans prendre le temps d’analyser une situation a t-il les qualités nécessaires à l’exercice du pouvoir ?

Or, les Français ne sont plus dupes. C’est probablement l’une des raisons, voire la raison principale pour laquelle ils ne croient plus à la parole des gouvernements en général, et de celui-ci en particulier.

A force d’agir en « tigres de papier », ça commence vraiment à se voir !

Ceux qui réclament l’armée pour ramener la paix dans les très nombreuses zones de non-droit se trompent. Police et gendarmerie peuvent largement accomplir cette mission, c’est une question de doctrine, et non pas de moyens !

Faisons évoluer le droit, afin qu’il ne soit plus seulement une entrave à la sécurité des Français, mais qu’il redevienne un moyen de rétablir durablement l’ordre ! Appliquons aussi les lois existantes, tant l’amplitude entre peine encourue, peine prononcée, et peine exécutée est immense.

Le malaise que traverse l’ensemble des forces de sécurité est profond, c’est une perte du sens. La réforme Darmanin de la police nationale entrée en vigueur au 01er janvier 2024, est venue enfoncer le dernier clou du cercueil, sacrifiant, probablement la seule direction active de la police qui fonctionnait bien, création de Georges Clémenceau en 1907, la police judiciaire.

Le ministre a imposé « sa » réforme sans en mesurer les conséquences, en dépit de multiples mises en garde. Après avoir réalisé celle de l’impôt à la source alors qu’il était ministre du Budget, il voulait faire celle de « sa » police enfin d’avoir l’image d’un réformateur, toujours bonne lorsque l’on a de grandes ambitions politiques ! Conséquences, aujourd’hui, il n’y a plus en France de lutte coordonnée contre la criminalité organisée. Le grand cirque des opérations « place nette » a remplacé les enquêtes longues et discrètes, qui permettaient de neutraliser durablement les malfaiteurs, et de démanteler des filières entières.

Il va falloir redonner du sens au métier de policier, mais cela ne peut passer que par du « bon sens », c’est-à-dire réaliser un vrai diagnostic des forces, mais surtout des faiblesses qui caractérisent désormais l’institution.

Cela ne peut passer que par une réforme globale à la fois de la procédure pénale et des rapports avec la justice, mais surtout par le retour à une véritable spécialisation des policiers. Les métiers du maintien de l’ordre, du renseignement, de la police aux frontières ou de la police judiciaire réclament des femmes et des hommes hautement spécialisés, et non des généralistes. On ne peut être efficace et compétent dans tous les domaines, la polyvalence dans un monde de plus en plus complexe est une chimère.

Il faudra au nouveau locataire de Beauvau, prendre ces données en compte, s’il souhaite éviter que l’institution « police » ne s’effondre sur elle-même.