La désunion entraîne la division

« Diviser pour mieux régner » est une vieille maxime très largement mise en application en politique. A court terme, elle assure une certaine efficacité, elle assoit le pouvoir de celui qui divise, mais à long terme, la division affaiblit le tout, réduit l’autorité à néant, et empêche tout pouvoir.

 

Incapable de garantir la cohésion nationale et d’exercer sa souveraineté, Emmanuel Macron a promis aux élus corses, les mêmes qui refusent d’afficher le drapeau français, un statut particulier, le statut d’autonomie. Il avait laissé six mois au Ministre de l’Intérieur et aux élus locaux pour lui proposer un projet. Ces derniers se sont réunis cette semaine pour continuer à se mettre d’accord. Sans réserve aucune, L’Appel au Peuple est opposé à ce projet.

 

La Constitution est claire, la France est une République indivisible. C’est même le premier des principes énoncés dans l’article 1er. Il faut donc modifier la Constitution, car le Conseil constitutionnel censurera une loi proclamant l’autonomie de la Corse. Il avait d’ailleurs jugé en 1991 la notion de « peuple corse » contraire à la Constitution dans le cadre de la loi Joxe sur le statut de la Corse. Le Gouvernement respecte donc l’autorité du Conseil constitutionnel sur la loi Immigration, parce que cette décision l’arrangeait, mais contourne la voix des « sages » en anticipant sa future censure. On jugera l’hypocrisie de la chose.

 

Mais ces questions juridiques ne sont rien face à la principale raison qui fonde notre opposition : en France, l’Etat a précédé la Nation. Il s’est construit au fil des siècles, il s’est uni et renforcé au gré de ses institutions, et la Nation s’est ensuite agrégée à cet Etat dont l’autorité était légitime et incontestable. Les territoires ayant rejoint l’Etat français par la suite ont intégré la communauté nationale, et n’ont pas constitué en tant que tels des éléments de légitimation de l’Etat. La chose est différente en Allemagne, en Italie ou en Espagne. Dans ces Etats, la nation s’est construite avant que l’Etat n’existe, et l’union des anciennes provinces ou régions a permis de fabriquer cet État, en échange de quoi une autonomie forte a été octroyée à ces parties d’un tout. En France, c’est tout le contraire. L’Etat est fort, il n’a pas besoin de la Nation pour exister, et les régions ou « pays » n’ont pas besoin d’autonomie pour le légitimer.

 

La Corse est une partie de l’État comme une autre. Pas plus, ni moins. Elle est devenue française il y a plus de 200 ans. Avant la Savoie. Elle n’a pas contribué à constituer l’Etat. Ses habitants ont intégré la communauté nationale, comme les autres. Le Gouvernement veut intégrer dans la Constitution la reconnaissance d’une « communauté insulaire, historique, linguistique et culturelle ayant développé au fil des siècles un lien fort et singulier avec sa terre : l’île de Corse ». Disons-le : c’est absurde, et hors de propos. La Constitution n’est pas un manuel d’histoire ou un panorama des spécificités culturelles de la France. Il n’y a pas de « communautés » en France, il y en a une, c’est la communauté nationale. En légitimant ce communautarisme, le gouvernement trahirait le socle de ce qui fait son identité. La schizophrénie gouvernementale est criante, alors même qu’ils feignent de lutter contre le communautarisme par d’autres projets de lois.

 

Surtout, rappelons-le, la Corse a ses spécificités culturelles, historiques, linguistiques, oui, mais pas davantage que toutes les autres parties de la France : la Bretagne, le Pays Basque, l’Occitanie, le Comminges, le Nord, la Lorraine, la Savoie, etc. Toutes ont « développé au fil des siècles un lien fort et singulier avec [leur] terre ». Reconnaître cela pour la Corse, c’est mépriser et ignorer la spécificité de toutes les autres régions qui ont constitué la France, bien avant la Corse, pour certaines. Intégrer cela dans la Constitution, c’est remettre en cause le modèle unitaire de la France, et c’est s’exposer à des demandes d’autres régions, qui seront désormais légitimes à le faire.

 

L’Appel au peuple est donc résolument opposé à intégrer le communautarisme dans la Constitution de la France. A force de remettre en cause tous ces principes qui constituent l’identité juridique de la France, le risque est qu’il ne reste plus grand-chose à défendre. La désunion entraîne la division. La Corse, au même titre que n’importe quelle collectivité territoriale, peut prétendre à des aménagements dans la mise en œuvre de la décentralisation permis par les articles 72 et suivants de la Constitution. Ils sont suffisants. De même que la Région corse a déjà un statut particulier, que nous contestons, lui permettant de mettre en œuvre plus intensément que d’autres une politique culturelle et linguistique.

 

Encore une fois, la Constitution doit demeurer un sanctuaire, qu’il convient de modifier de manière très mesurée et prudente. Elle ne doit pas être un guide de voyage présentant les différentes particularités des régions françaises. Et, surtout, nous serons vigilants à ce que cette modification de la Constitution soit soumise, comme le prévoit l’article 89, à l’approbation du seul peuple concerné par la Constitution, du seul peuple résidant sur le territoire français par-delà les montagnes, les mers et les océans : le peuple français.

Enfant du Comminges, dans les Pyrénées Centrales, j’ai cet amour pour les territoires qui au fil des siècles sont venus former notre belle France. Cette France que j’ai servi durant quelques années au sein des unités de l’Infanterie de Marine et par ce biais sur différents théâtres d’opérations et qui m’a donné ainsi une deuxième famille. Amoureux de notre Histoire mais surtout admirateur de l’œuvre de nos deux empereurs, loin de tous anachronismes, je défends leur mémoire mais aussi les valeurs qu’ils nous ont légué pour une certaine idée de la France grande, juste, respectée et généreuse. Cette Histoire, ces valeurs et cette mémoire qui doivent nous rendre fier d’être Français.