Le collectif Santé en danger a réagi dans le magazine Marianne en proposant une réforme structurelle de notre système sanitaire et hospitalier. Il est néanmoins nécessaire de rappeler quelques éléments conjoncturels qui ont conduit l’hôpital public dans l’abîme.
Entre 1984 et 2004, le financement des hôpitaux reposait sur un budget global, reconductible annuellement et indépendamment de l’activité. Ce système pénalisait les établissements en plein essor, et, a contrario, favorisait ceux dont l’activité décroissait. Parallèlement, les dépenses de santé, liées à la pyramide des âges et le vieillissement de la population dite du «baby-boom », conduisit le gouvernement à agir sur un déficit exponentiel. C’est pourquoi fut votée la loi dite ONDAM, Objectif National de Dépenses Maladie, en 2005.
Cette loi fixe toujours les plafonds de dépenses tolérées. Ainsi, par exemple, en équipant sournoisement les hôpitaux d’un système d’imagerie type IRM et scanner, en nombre limité, le nombre d’examens pratiqués s’en retrouve réduit d’autant. Le maintien du numerus clausus bas contribue aussi à réduire le nombre d’actes, donc de dépense (numérus clausus en 1972 : 8588, en 2019: 9314).
En 2007, entrait en application une loi votée en 2004 : la T2A ou Tarification A l’Activité. Cette loi, voulue aussi bien par la Droite que la Gauche, assure le financement des établissements de santé publics ET privés. Médicaliser le financement et responsabiliser les acteurs de santé en sont les grands principes.
L’équation est simple : estimation d’activité + dotation pour missions d’intérêt général (enseignement, recherche…) = recettes.
Or, cette loi d’optimisation des dépenses multiplia par 2 le déficit des hôpitaux en comparant les chiffres de 2004 et 2018 (800 millions versus 1,5 milliard d’euros).
Les raisons sont multiples:
⁃ Elle entraîne une course à la rentabilité en incitant à réaliser le plus d’activité possible, engendrant un processus inflationniste
⁃ Elle encourage insidieusement à favoriser certaines activités bien rémunérées, engendrant une augmentation du nombre de séjours en chirurgie à l’hôpital public.
⁃ A contrario, des activités sont moins voire pas rémunératrices (psychiatrie, maladies chroniques, …) mais incombent aux missions de service public.
⁃ Les barêmes de remboursement des activités n’ont pas évolué depuis son application alors que les coûts sont plus onéreux.
À toutes ces lois s’ajoute celle décidée en 2009 : loi HPST, Hôpital Patient Santé Territoire.
* Elle assure une gouvernance administrative des hôpitaux par un directeur aux pouvoirs étendus, non forcément issu de la filière santé.
* Elle implique la participation des cliniques privées aux missions de service public.
* Elle refonde la carte sanitaire avec la création des ARS, Agences Régionales de Santé qui assure une coordination entre les hôpitaux, cliniques et libéraux et rationalise les dépenses de santé par une gestion plus financière que médicale.
Nous comprenons mieux ainsi le déficit des hôpitaux, prérogative non régalienne, à tel point qu’il fut envisagé sous le quinquennat du président Sarkozy, d’en confier la gestion aux mutuelles de santé. L’état cherchant à se défaire de ce lourd fardeau ! N’oublions pas que Guillaume Sarkozy, frère aîné de l’ex-président de la république, occupait de hautes fonctions chez Malakoff Médéric en 2008! Cette idée est toujours d’actualité…
Le corps soignant ne se reconnaît pas dans cette volonté de gestion financière et commerciale de la santé. Leur formation repose sur une prise en charge de l’humain dans toutes ses dimensions biologique, psychologique et socio-économique. L’écoute et la relation d’aide, qui stimulent les soignants, n’est pas quantifiable donc non-évaluable financièrement contrairement aux soins «techniques » comme les prises de sang. Leur éthique est donc blessée lorsqu’ils sont confrontés aux situations, de plus en plus nombreuses, de rationaliser le soin. À cela s’ajoute l’excès de bureaucratie (traçabilité, bordereau de commande en pharmacie, prise de rendez-vous …). Cette traçabilité excessive nuit paradoxalement à la surveillance du patient et conduit à un épuisement moral des professionnels de la santé. Donc, avant même d’évoquer une quelconque revendication salariale, la fuite des soignants repose sur la contradiction entre un modèle commercial non anticipé durant leur formation, mais intégré par le patient-client, et leur modèle professionnel enseigné. Il est intéressant de noter que chaque nouvelle promotion d’étudiants infirmiers ne débouche que sur 45% de diplômés qui exerceront réellement! Mais toutes les professions qui placent l’humain au centre de leur préoccupation sont aujourd’hui en crise! Pas seulement les soignants, mais les forces de l’ordre, les sapeurs-pompiers, les enseignants, les aide-à-domicile… Notre société se désolidarise, s’individualise. Seule la production destinée à la consommation est encensée.
En matière de salaire, le Ségur de la santé proposé par l’Élysée n’a permis que de rattraper le gel de l’indice des fonctionnaires, en place depuis les années 2002, et sous forme de prime et non de revalorisation du traitement mensuel de base!
Certaines revendications comme le travail de nuit qui n’est majoré que d’1€ / h. n’ont pas été traitées. Cela explique la désertion des postes nocturnes, conduisant à des fermetures administratives de services ou à inciter les infirmiers de jour à «tourner » régulièrement sur ces horaires décalées.
Pour toutes ces raisons, j’approuve les propositions du Collectif Santé en danger, auquel j’ajouterai néanmoins:
– une formation continue et annuelle obligatoire sur les pratiques infirmières en soins d’urgences et de réanimation, comme c’est déjà le cas pour les formations sur l’hémovigilance et la sécurité incendie.
⁃ la pérennisation, formulée lors du Ségur, du paiement des heures supplémentaires
⁃ Un réel partenariat entre la fonction publique hospitalière et la fonction hospitalière privée.
Mais seuls nos concitoyens, par le pouvoir des urnes, peuvent imposer à l’État la volonté de soutenir notre système de soins. Cela a un coût. Les Français accepteront-ils de financer la restructuration de l’hôpital (majoration des mutuelles par revalorisation des actes pratiqués ? TVA sociale ? …) ? Mais cela ne doit pas se faire au détriment d’autres secteurs en souffrance ni l’abandon d’ambitieux projets (France-sur-mer …).
Jeune père de famille de 40 ans, je partage au sein de la délégation francilienne de l’Appel au Peuple ma passion pour l’Histoire, la préservation du patrimoine et la réflexion historique et politique. L’histoire n’est autre que la politique d’hier! Jamais, depuis la fin du second conflit mondial, nous n’avions eu à nous battre pour que des statues, des noms de rue, des leçons scolaires, ne soient déplacés, effacés, oubliés ! L’Appel au Peuple doit mener de dures missions pour répondre aux besoins de la France et des français. Je veux être de ces combats au côté de mes compagnons, pas pour dire que j’y étais mais parce que nous devons y être!